le président s'accapare les ondes pour lutter contre la crise
Les
Français attendaient avec impatience les mesures que le gouvernement
(ou devrait-on plutôt dire le gouvernant) allait annoncer pour faire
face à la crise. Jeudi dernier Nicolas Sarkozy a donc décidé de faire
une émission retransmise en directe sur pas moins de trois chaînes non
cryptées - Tf1, France 2 et M6. Statistiquement toute personne n'ayant
pas la TNT, le câble ou le satellite avait une chance sur deux
d'assister à l'annonce des mesures que Sarkozy allait pondre pour
résoudre cette situation préoccupante.
Et, soyons honnêtes, de
nombreuses personnes ont du se laisser berner car, avouons le, il
est fort notre président. Face à quatre journalistes qui ont bien
compris que c'était un honneur d'avoir été choisi pour interroger le
président (nous ne reviendrons pas sur ce dispositif digne de l'Ancien
Régime et qui fait douter de la liberté des journalistes) et que toute
impertinence serait suivie de défaveur (cf PPDA), Nicolas Sarkozy était
très à l'aise et maniait admirablement les chiffres (qui comme par hasard
étaient toujours en faveur de la France). Il a réussi le tour de force
de tenir plus d'une heure et demi sur du vent, sa seule réelle annonce
étant qu'il allait faire une réunion. Quel programme!
Alors que
les Français attendaient de vraies mesures, ils n'ont obtenu que
l'assurance que le président consulterait les partenaires sociaux afin
que ceux-ci parviennent à un accord. Il n'a annoncé quasiment aucune
mesure ( à part peut-être celle de la suppression de la taxe
professionnelle en 2010 - sans toutefois pouvoir expliquer comment un
État en faillite réussirait à financer le manque à gagner) , ignorant
soigneusement chaque demande de précision de ces journalistes insolents
qui devraient avoir compris qu'ils n'étaient là que pour permettre au
président de nous livrer sa vision du monde. Vision utopique dans
laquelle il jouait le rôle du sauveur exigeant ni plus ni moins que la
refondation de l'ordre mondial et la fin des paradis fiscaux !
Durant
son intervention télévisuelle - dans laquelle il a réussi à placer des
critiques entre autres de la Tchéquie, du "petit système médiatique"
qui "s'emballe", en particulier du Nouvel Obs' qu'il n'a toujours pas
pardonné pour l'affaire du SMS, et bien sûr des 35 heures - notre cher
président a toutefois lâcher quelques aveux : "moi-même j'avais du mal
à en voir les tenants et les aboutissants" (en parlant de la réforme
des lycées), "c'est pas gagné" (en parlant de la situation) mais aussi
"j'ai le sens du ridicule". Espérons-le pour lui s'il continue à faire
des interventions comme celle-là.